Spéculation sur spéculoos à Bruxelles
Le spéculoos en principe c'est pour Mark ! Il en a déjà souvent parlé et bien parlé.
Mais je ne résiste pas à ce petit billet. J'en profite en douce de ton break (mdr) pour le poster.
Pourquoi cette envie irrépressible ? C'est simple, il suffit de lire le livre « Bien boire et bien manger en Bruxellois » de Georges Lebouc chez Le Cri
Il est grand temps d'évoquer cette autre spécialité qu'est le spéculôs, que l'on écrit surtout spéculoos mais que l'on appelle aussi piskeloes, pisquelaus, spikeloes voire même spéculation chez les stoeffers (vantard, prétentieux, snob)! Depuis que la terre pris les dimensions d'un mouchoir de poche, chacun sait aujourd'hui qu'il s'agit d'un biscuit brun représentant des personnages ou des objets.
Spécialité de la maison Dandoy à deux pas de la Grand Place, il est un must le jour de la Saint Nicolas, fête des enfants (ce que l'on tend à doubler aujourd'hui, par celle du père Noël).
Ce spéculoos est à ce point typique que Viviane de Cuypere lui a consacré une tirade un tantinet chauvine dans sa pièce Les pralines de Monsieur Tonneklinker. Sur une intrigue venue en droite ligne de Molière et sur laquelle l'auteur n'insiste pas exagérément, se greffe surtout l'idée que des Américains veulent racheter l'affaire de Mr Tonneklinker, ce qui n'est pas du tout du goût de ses amis :
Emile. - Il n'y a pas de mais ! Il est temps, Henri que tu comprennes le bastion, la place forte que tu représentes avec tes speeculoos.
Henri. - Un bastion ?
Emile. - Le speeculoos, le pain d'épice : la fine fleur du bon goût belge. Nulle part au monde on n'en fait qu'ici. Et du pays, c'est le tien le meilleur.
Henri. - Il faut peut-être pas exagérer !
Emile. - Exagérer ? Est-ce que j'exagère ?
Octave. - Tu peux même en rajouter.
Tonneklinker. - En dessous de la vérité, tu es !
Emile. - Comprends bien que si toi tu cèdes, si toi tu livres l'échantillon le plus pur de la création belge, si à cause de toi, il se transforme en un insipide paquet de biscuits fabriqués loin du pays, ce sera l'anéantissement de tout un savoir, de toute une culture ! Ce sera la porte ouverte à l'affadisation (le terme exact est affadissement, mais affadisation dit bien ce que cela veut dire !) universelle de la table ! La gueuze goûtera la flotjesbee (bière aqueuse, insipide), les anguilles au vert seront vendues au Texas avec du ketchup et les praniles (prononciation courante de pralines) seront fourrées au chewing gum ! On aura perdu à tout jamais la saveur - ô combien inimitable- de notre terroir.
Or, c'est à nous, artisans, que revient le devoir de la défendre si on ne veut pas que meure tout un passé ! Européens, peut-être, mais Belges surtout, ne laissons pas la porte ouverte à l'envahissement de notre gastronomie nationale par la horde insipide internationale ! Elevons nous face à ce péril imminent et brandissons bien haut l'étendard national contre l'uniformisation gustative planétaire.
On ne peut être plus clair ni plus nationaliste !
Mais tout ceci ne nous dit pas ce qu'est ce fameux spéculoos.
Le 5 décembre 1996, veille de la Saint Nicolas, un journaliste de la Dernière Heure posa toutes les questions que nous nous posons à Mr Jean Rombouts, qualifié pour la circonstance de « cinquième maillon d'une authentique chaîne dynastique », cette dynastie étant celle qui dirige la maison Dandoy. !
La première question toute naturelle : qu'est-ce-que le spéculoos ?
«{...}le spéculaus fait partie de la famille des pains d'épice. La principale différence réside dans l'utilisation de sucre candi à la place du miel. Pour le reste, les ingrédients principaux sont de la farine, du beurre, éventuellement des oeufs et un mélange d'épices, comprenant au minimum de la cannelle et de la girofle. »
L'origine ?
« On ne la connaît pas avec précision. Mais il est évident qu'il a fallu attendre l'apparition des épices, mais aussi du sucre, pour pouvoir envisager la préparation du spéculaus. »
L'origine des formes ?
« Il y a de bonne chances pour que l'idée de mouler une préparation avant de la cuire soit née avec la couque de Dinant. A l'origine, véritable couque de famine préparée par les Dinantais assiégés qui n'aveint plus que la farine et du miel, on a sans doute pensé à la mouler dans les célèbres dinanderies en cuivre avant de les cuire.
Après les troubles, l'usage s'est maintenu, mais pour éviter les inconvénients du cuivre, comme le vert-de-gris, on est alors passé aux moules en bois. Et ceux-ci après avoir servi pour les couques de Dinant ont été jugés parfaits pour les spéculaus... Une différence de taille toutefois : alors que dans le cas de la couque de Dinant, le décor reste parfaitement imprimé, la pâte du spéculaus joue nettement plus à la cuisson. Ce qui fait que les motifs sont franchement déformés, ce dont doit tenir compte le sculpteur qui réalise les moules »
Moule Saint Nicolas classique (15cm)
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